5/06/11
J'arrive à 6h30 à Huaraz en ce jour d'élections présidentielles. Les Péruviens ont le choix entre Keiko Fujimori, fille d'un ancien président péruvien d'origine japonaise, et Ollanta Humala. Le père Fujimori est actuellement en prison pour meurtre, kidnapping et crime contre l'humanité. Ollanta Humala, ancien militaire, a été accusé de violations des droits de l'homme (enlèvement et torture entre autres) mais relaxé faute de preuves. Il a aussi participé avec son frère à un coup d'état. Son frère qui, en 2005, organise une prise d'otages (4 à 6 morts) pour demander la démission du président en place à l'époque. Bref, comme dit Mario Vargas Llosa (un écrivain péruvien Prix Nobel de Littérature), le Pérou doit choisir entre le Sida et le cancer...
Je trouve une auberge de jeunesse super sympa gérée par une famille très accueillante. Au passage je leur demande pour qui ils vont voter, comme j'ai pu le faire avec mes parents dans les lieux où on est passés depuis 2 semaines. Ils me répondent que le choix est difficile. Tu m'étonnes !
Après mon rituel décrassage d'après bus de nuit, je fais la connaissance de mes 2 colocataires : Linda, une Américaine, et Danieca, une Québécoise (ne jamais dire Canadienne à une Québécoise !). Puis je pars faire un tour en ville. On est à plus de 3.000 m et la montée des escaliers pour aller dans le centre est rude.
Je fais la tournée des agences pour organiser mes excursions des 2 jours suivants. Finalement, les propositions de mon hostal sont plus intéressantes. J'y retourne donc pour réserver la randonnée à la Laguna 69 et la visite des ruines de Chavin de Huantar. Fin d'après-midi tranquille car demain, je me lève à 5h30.
6/06/11
Départ à 6h00 avec Théo, le propriétaire de l'auberge, et 14 autres pensionnaires dont Linda et Danieca. Après 1h00 de route, on s'arrête à Yungay pour petit-déjeuner. L'ancienne ville de Yungay a été complètement détruite par un violent tremblement de terre en 1970 : 25.000 morts (70.000 au total dans la vallée). Seules 92 personnes qui se trouvaient dans le cimetière et 25 autres personnes dans un stade ont survécu. La nouvelle Yungay a été construite 1 km plus loin.
On reprend la voiture pour 2h00 de route défoncée. Heureusement, on s'arrête pour regarder les lacs qui se trouvent sur le chemin. Les 3 lacs, attenants, portent des noms qui signifient le lac femme, le lac bébé et le lac homme.
Un peu après 9h00, on arrive au point de départ de notre randonnée, Cebollapampa, à 3.900 m d'altitude. Le groupe part comme une furie alors que Linda, Danieca et moi fermons la marche en bonnes dernières. On y va lentement mais sûrement !
La première partie consiste en une marche dans une belle vallée. Quelques campeurs ont eu la bonne idée de planter leurs tentes ici, au milieu des ânes, des chevaux et des vaches qui broutent.
Au bout de quelques dizaines de minutes, je laisse Linda et Danieca pour avancer à mon rythme, accompagnée par les vaches au milieu des pics enneigés.
J'arrive à la 1ère difficulté : une rude montée en lacets. A plus de 4.000 m, j'ai le souffle court. Mais je continue à marcher tranquillement. Je dépasse même 2-3 personnes de mon groupe. La flore, jaune et violette, est splendide.
Je poursuis ma grimpette au son des cascades.
Alors que je marche au milieu d'un troupeau de vaches, j'aperçois la fin de la montée. Je pense être à la fin de mon calvaire...
J'arrive effectivement à un lac. Sauf qu'en regardant sur mon plan, avant d'arriver à la Laguna 69, il faut passer à côté d'un petit lac qui se trouve... à mi-chemin !
Heureusement, la suite de la randonnée se passe à nouveau dans une vallée. Ça fait du bien de marcher sans avoir l'impression de cracher ses poumons. Tout en étant quand même un peu essoufflée.
Et là, c'est le drame. Je me retrouve devant un mur. Une 2ème montée qui semble bien haute... L'objectif se trouve à 4.600 m ! Ça serait dommage d'être arrivée jusque là et de ne pas voir la Laguna 69... C'est pourtant le choix que fait un couple qui ne peut plus avancer. En ce qui me concerne, je continue pour 1h00 très éprouvante. J'ai le souffle coupé et je marche très lentement : 15 pas – 2 minutes de repos, 15 pas - 2 minutes de repos, etc. Cependant, je dépasse 2 autres personnes de mon groupe. D'autres, qui n'ont pas l'air de souffrir de l'altitude, me doublent aussi. Le moral en prend un coup dans ces cas là !
Et puis, finalement, j'y arrive à cette Laguna 69. Son eau turquoise se dévoile enfin à moi après 3h15 de marche.
La montagne Chacraraju surplombe la scène.
Maintenant que j'y suis, j'y reste : 45 minutes pour me reposer, grignoter et surtout profiter de cette eau à la couleur magnifique.
Puis il est l'heure de redescendre. D'une simplicité déconcertante ! Tandis que je quitte les lieux, je croise Linda qui vient juste d'arriver. Danieca, malade, a abandonné avant la 1ère grimpette. Je rencontre aussi beaucoup de gens sur leur fin de parcours. Ils me demandent tous sans exception combien de temps il reste avant la fin. Me rappelant l'état dans lequel j'étais 1h00 auparavant, je suis ravie de leur annoncer qu'il ne reste que 5-10 minutes. Beaucoup moins ravie quand ils ont encore une bonne ½ heure de marche devant eux.
Vers 16h00, tout le monde est de retour au mini-bus, enchanté mais usé ! Pendant le trajet qui nous ramène à Huaraz, un mal de crâne énorme me prend. Il passera au bout d'1h00 grâce à 2 aspirines. La rançon de la gloire ! Quant à Théo, il conduit comme un fou. Enfin, comme un Péruvien... On échappe de peu à un accident lorsque 2 chiens déboulent de derrière un camion pour traverser la route.
Arrivée à 18h30 à l'hostal. Je ne mets pas beaucoup de temps pour tomber de sommeil...
7/06/11
Après une nuit réparatrice, je pars à 9h00 pour visiter les ruines de Chavin de Huantar. Le trajet est long, très long. Surtout que la route est défoncée à 70 %. On fait un courte pause à la Laguna Querococha à plus de 4.000 m d'altitude.
Sur la route, on passe devant une formation géologique qui n'est pas sans rappeler la carte du Pérou...
On arrive 3h30 plus tard au village de Chavin. Nouvel arrêt pour... manger ! Ce n'est qu'à 14h00 qu'on commence la visite. On débute avec le musée du site. On y découvre des sculptures Chavin époustouflantes. La civilisation Chavin a existé de 1.200 à 300 avant J.-C., bien avant les Incas. J'ai le souffle coupé mais pas pour les mêmes raisons qu'hier !
Il y a aussi une conque sculptée et des poteries qui se passent de commentaire.
Et pour finir des sculptures de têtes qui étaient insérées dans les murs du temple de Chavin de Huantar pour faire peur aux gens et éviter qu'ils ne s'approchent.
Puis direction les ruines qui se trouvent au milieu de beaux paysages. Chavin de Huantar était un centre cérémoniel où seuls les prêtres étaient autorisés à entrer.
A l'entrée, se trouve une maquette du site comme il était à l'origine. Notre guide, un peu fou et survolté mais très intéressant, commence ses explications. Le fait marquant est la porte du temple qui était peinte en 2 couleurs : d'un côté en noir, de l'autre en blanc. Accrochez-vous pour l'explication... Le noir & le blanc représentaient le mal & le bien, le vice & la vertu, le ying & le yang, la femme & l'homme. Je vous laisse deviner lequel de la femme ou de l'homme était le mal, le vice donc le noir !
C'est une bonne chose que la maquette soit là car le site est en piètre état. A sa découverte, il avait été restauré mais des inondations et des glissements de terrain l'ont détruit à 80 %.
Des plateformes se trouvaient de chaque côté de la cour principale. C'est ici que les prêtres se réunissaient pour leurs cérémonies et rencontres. Notre guide, très impliqué, nous explique le déroulement des cérémonies et nous mime même les danses qu'ils faisaient. A noter que les prêtres utilisaient les feuilles de coca et le cactus de San Pedro pour rentrer en transe.
Les Chavin étaient très forts en astronomie. Preuve en est une pierre percée de 6 trous qui, au 1er abord, n'a pas d'intérêt. Mais notre guide entre en action pour nous raconter qu'à l'époque les trous étaient remplis d'eau. A certaines périodes de l'année, une constellation venait se refléter exactement dans ces trous d'eau.
Et ça, vous savez ce que c'est ? Euh, des têtes de serpents gravées sur des marches !!!!
Bien plus que ça ! Il s'agit de flèches de signalisation. Pour indiquer aux prêtres qui quittaient la cour principale quelle direction prendre afin de respecter le protocole de la cérémonie. En gros : interdit de monter les marches, continuer tout droit.
On poursuit avec la fameuse porte anciennement noire et blanche. Une petite piqure de rappel sur l'histoire de la couleur noire qui représente le mal, les vices, et donc la f....... Ah bah non, je n'arrive pas à le dire !
Puis on rentre dans les entrailles du temple, une succession de galeries souterraines. Au milieu, se trouve une sculpture à moitié détruite du Lanzon, le Dieu suprême.
On ressort pour aller voir la seule tête restée en place sur les murs extérieurs. Ces têtes, destinées à repousser les importuns, ont été descellées par les Espagnols à leur arrivée sur les lieux. Ils en ont juste oublié une. Il existait aussi d'autres moyens pour faire peur comme un système d'eau et de pierres que les prêtres utilisaient pour produire un effet sonore terrifiant.
La culture Chavin est particulièrement intéressante, même s'il faut avoir beaucoup d'imagination pour profiter du site (visites non guidées à proscrire). Il ne faut cependant pas oublier que, n'ayant pas d'écrit de cette civilisation, tout n'est que supposition ! Ça voudrait dire que la couleur noire ne représente pas forcément la femme ??!!
On reprend le mini-bus pour Huaraz à 17h00. Je suis un peu stressée car j'ai un bus pour Trujillo à 21h30 et le guide nous annonce 4h00 de route. Finalement, on arrive à 20h15. Une nouvelle nuit en bus en perspective...